accord participe passé

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Invité

accord participe passé

Message par Invité »

J'aimerais une confirmation sur l'accord avec le verbe avoir quand un verbe à l'infinitif suit le participe passé :

Ex : La victime gisait ..., on l'avait vue tomber.

Faut-il bien accorder le verbe voir ?

Merci pour votre réponse.
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Bernard_M
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Message par Bernard_M »

La règle énoncée par ma grammaire est la suivante :
--- début de citation ---
Lorsque le participe est suivi d'un infinitif, comme dans le cas des verbes exprimant une perception (voir, entendre, sentir), il importe de bien distinguer celui des deux verbes dont le pronom est complément d'objet.
  1. Si le pronom personnel ou relatif est complément d'objet de l'infinitif, le participe passé est invariable : cette maison je l'ai vu construire (construire est transitif / on construit quelque chose / j'ai vu construire quoi ? réponse l' mis pour maison)
  2. Si le pronom, au contraire, n'est pas complément d'objet de l'infinitif, le participe de ces verbes peut s'accorder.
    1. Si on considère que le pronom l' est complément d'objet du participe (voir) alors celui-ci s'accordera :
      Cette personne, je l'ai vue entrer (entrer est intransitif donc l' n'est pas le complément d'entrer)
      Ces chiens, que j'ai entendus aboyer (aboyer est intransitif)
    2. Mais si on considère que le complément d'objet du participe est la proposition infinitive (entrer), alors le pronom peut-être considéré comme sujet de l'infinitif et non plus comme complément d'objet du participe passé. Il n'y aura pas d'accord et on écrira :
      Cette personne, je l'ai vu entrer.
      Ces chiens, que j'ai entendu aboyer.
    En général , il n'y a accord que pour éviter l'équivoque dans le cas d'un verbe à l'infinitif pouvant être transitif ou intransitif
    Je l'ai entendu gronder peut signifier :
    J'ai entendu qu'on le grondait ou j'ai entendu qu'il grondait
    L'accord du participe au féminin et au pluriel dissipe toute ambiguïté :
    Je l'ai entendue gronder ne peut signifier que j'ai entendu qu'elle grondait
    Je les ai entendus gronder ne peut signifier que j'ai entendu qu'ils grondaient.
--- fin de citation ---
Revenons à la victime !
Je pense donc que les deux orthographes que vous proposez sont acceptables (tomber étant pris au sens intransitif), selon que vous considérerez le pronom l' comme complément d'objet du participe (voir) ou comme sujet de l'infinitif (tomber).
  • Dans le premier cas vous ferez l'accord La victime gisait ..., on l'avait vue tomber
  • dans le second vous ne le ferez pas La victime gisait ..., on l'avait vu tomber.
Ref: Grammaire française par Gaston Cayrou (Inspecteur général de l'Instruction publique)
Pierre Laurent (Professeur agrégé au Lycée Henri IV et à l'ENS de St-Cloud)
Melle Jeanne Lods (Docteur ès lettres, Professeur agrégé à l'ENS de Sèvres)
Librairie : Armand Colin / Collection : Méthode moderne d'humanités françaises /Edition 1956
Dernière modification par Bernard_M le jeu. 02 avr. 2009, 21:26, modifié 1 fois.
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Jacques
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Message par Jacques »

Pardon de vous contredire Bernard, mais votre grammaire donne une vision fausse. Avec l'exemple « on l'avait vue tomber » il n'y a pas d'alternative. Question : on avait vu qui ? Le élidé, pronom mis pour victime, qui est COD et placé avant, donc il y a toujours accord. En revanche, invariabilité dans La victime est tombée parce qu'on l'avait vu pousser par quelqu'un.
De même pour les chiens que j'ai entendus aboyer ; mais les ordres que j'ai entendu aboyer par le chef.
Si haut qu'on soit placé, on n'est jamais assis que sur son cul (MONTAIGNE).
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Marco
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Message par Marco »

Nous en avons déjà parlé, mais j’aimerais rappeler l’arrêté du 26 février 1901 :

Arrêté relatif à la simplification de l’enseignement de la syntaxe française

Le Ministre de l’Instruction publique et des Beaux-Arts,
Vu l’article 5 de la loi du 27 février 1880 ;
Vu l’arrêté du 31 juillet 1900 ;
Le Conseil supérieur de l’Instruction publique entendu,
Arrête :

ARTICLE 1er. – Dans les examens ou concours dépendant du Ministère de l’Instruction publique, qui comportent des épreuves spéciales d’orthographe, il ne sera pas compté de fautes aux candidats pour avoir usé des tolérances indiquées dans la liste annexée au présent arrêté.
La même disposition est applicable au jugement des diverses compositions rédigées en langue française, dans les examens ou concours dépendant du Ministère de l’Instruction publique qui ne comportent pas une épreuve spéciale d’orthographe.

[…]

IX. – PARTICIPE […]

2. Participe passé. – […] Pour le participe passé construit avec l’auxiliaire avoir, lorsque le participe passé est suivi, soit d’un infinitif, soit d’un participe présent ou passé, on tolérera qu’il reste invariable, quels que soient le genre et le nombre des compléments qui précèdent. Ex. : les fruits que je me suis laissé ou laissés prendre ; – les sauvages que l’on a trouvé ou trouvés errant dans les bois. Dans le cas où le participe passé est précédé d’une expression collective, on pourra à volonté le faire accorder avec le collectif ou avec son complément. Ex. : la foule d’hommes que j’ai vue ou vus.


Dans les établissements scolaires de la Suisse romande, nous enseignons désormais que le participe passé suivi d’un infinitif est toujours invariable. Je trouve, pour ma part, que cette simplification est la bienvenue, d’autant plus qu’à l’oral on n’entend généralement pas la différence.
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Jacques
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Message par Jacques »

Les exemples que vous citez se construisent tous avec le pronom relatif que. Dans la foule d'homme que j'ai vus ou vue, c'est normal, nous avons un accord d'intention, qui permet de choisir entre l'accord grammatical sur le sujet du verbe, ou la syllepse qui fait renvoyer cet accord sur le complément du nom. C'est la même chose que une bande de moineaux s'était posée ou s'étaient posés sur le fil.
Mais dans l'exemple cité en début de sujet : la victime gisait.., on l'avait vue tomber il ne paraît pas possible d'appliquer un accord d'intention, et le féminin s'impose par le fait qu'on pourrait écrire « on l'avait vue ». Pour votre exemple avec les fruits je me suis laissé ou laissés... c'est une disposition prise dans les régularisations orthographiques de 1990 ; l'Académie admet qu'on écrive le PP invariable dans tous les cas : elles se sont laissé tomber, comme elles se sont laissé surprendre.
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Marco
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Message par Marco »

Pourtant, Jacques, il s’agit bien d’un participe passé suivi d’un infinitif, donc, dans un examen, selon l’arrêté que j’ai cité, on ne pourrait pas compter faux on l’avait vu tomber (avec l’ féminin).
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Jacques
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Message par Jacques »

Je ne sais pas s'il s'agit d'une mesure préconisée par un ministre suisse, ou des recommandations du décret Haby, ministre français de l'Éducation nationale. Devant l'hécatombe à certains examens causée par la pauvreté orthographique des candidats, le ministre a dressé une liste de tolérances qui conseillait aux correcteurs de fermer les yeux sur certaines fautes. Cela ne signifiait pas qu'il fallait écrire ainsi, et ici en France, comme je l'ai dit en d'autres occasions, personne n'a le droit de légiférer ou d'imposer quoi que ce soit en matière de langue. Ces recommandations d'indulgence n'avaient pas valeur d'une réforme de l'orthographe ; elles concernaient une attitude bienveillante à adopter dans les examens, mais pas des règles que l'on pût enseigner en cours.
C'est la même chose que lorsqu'un agent de police voit un véhicule stationner en un endroit interdit : il devrait sanctionner, mais peut faire preuve de clémence et passer outre.
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Marco
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Message par Marco »

Il s’agit d’un arrêté français, fait à Paris le 26 février 1901 et signé Georges Leygues.

N’oublions pas non plus que ces règles sont extrêmement artificielles (nous avions abordé il y a quelque temps ce sujet, à propos du participe passé avec le sujet « ça »).
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Jacques
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Message par Jacques »

Alors c'est étonnant, car ces recommandations ont été reprises dans la réforme dont Michel Rocard avait passé commande, et qui a été publiée le 28 décembre 1976, puis retirée parce qu'elle avait soulevé une tempête de protestations indignées dans toute la francophonie européenne. Un journaliste genevois avait d'ailleurs accusé les Français de vouloir décider uniformément de l'emploi de la langue de façon hégémonique, en se fichant pas mal de l'avis des autres pays francophones d'Europe. Je considère qu'il avait parfaitement raison, et qu'il faut cesser de croire que la langue française nous appartient, à nous les petits Gaulois ronchonneurs. Jacques Capelovici a décortiqué cette réforme pour en faire une critique démontrant l'absurdité des mesures. Je tâcherai de retrouver le décret Haby, mais je parierais qu'il avait repris la même position sur ce PP.
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Bernard_M
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Message par Bernard_M »

Jacques a écrit :Pardon de vous contredire Bernard, mais votre grammaire donne une vision fausse. Avec l'exemple « on l'avait vue tomber » il n'y a pas d'alternative. Question : on avait vu qui ? Le élidé, pronom mis pour victime, qui est COD et placé avant, donc il y a toujours accord.
Je vous comprends parfaitement Jacques. Votre interprétation est celle qui conduit à la recommandation 2a. Elle a aussi ma préférence.
Je vois une alternative, certes moins élégante, mais à mon avis d'une approche grammaticale tout aussi acceptable :
Question : On avait vu quoi ? Tomber
Question : Tomber qui ? l' (elle)
C'est alors la recommandation 2b.

Je crois que l'on discutera encore très longtemps de ces recommandations.
Les auteurs ont écrit dans leur ouvrage de 1956 que le PP pouvait s'accorder se gardant bien d'écrire s'accordait. Tant dans le fond que dans la forme, ils étaient ainsi dans l'esprit de l'arrêté mentionné par Marco. Mais au final, au vu des explications fournies par la grammaire française, ou des recommandations de l'arrêté, les deux orthographes sont acceptables.

Quant aux ordres que j'ai entendu aboyer par le chef j'accepte de bonne grâce l'absence d'accord du PP mais j'avoue avoir ignoré jusqu'à aujourd'hui la forme transitive d'aboyer:wink:
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Jacques
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Message par Jacques »

Vous avez raison, ces cas épineux du participe passé feront éternellement couler de l'encre, et nous laisseront plus d'interrogations que de réponses. Oui, le verbe aboyer s'emploie transitivement dans cette expression : aboyer un ordre, qui n'est pas très orthodoxe, mais que j'ai rencontrée bon nombre de fois. Remarquez que le verbe hurler est soumis au même régime : il hurlait ses ordres dans la cour. C'est peut-être cet exemple qui l'a inspiré.
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amourdeliceetorgue

Message par amourdeliceetorgue »

Aboyer a donné "aboyeur", celui qui crie les noms des personnalités qui se présentaient à l'entrée des grandes maisons autrefois.

"Il y avait quelqu’un qui, ce soir-là comme les précédents, pensait beaucoup au duc de Châtellerault, sans soupçonner du reste qui il était: c’était l’huissier (qu’on appelait dans ce temps-là «l’aboyeur») de Mme de Guermantes. " Proust Sodome et Gomorrhe
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Jacques
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Message par Jacques »

Cela justifie donc l'emploi transitif. Merci pour la précision.
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Bernard_M
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Message par Bernard_M »

Effectivement, en y regardant de plus près le dictionnaire de l'Académie(*) mentionne cet usage au figuré et d'une façon familière, que je m'empresse d'ajouter à addenda de mon Petit Robert.

(*): Le lien direct vers le mot ne semble pas fonctionner.
[url=http://atilf.atilf.fr/dendien/scripts/g ... 741260;ici[/url]
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Jacques
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Message par Jacques »

J'ai fait lusieurs esais aussi infrucrueux que les vôtres avec l'url. Même en recopiant le lien en clair c'est l'échec :
http://atilf.atilf.fr/dendien/scripts/g ... 4261507725;;
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