Revoir encore

[JR]

Je crois qu'on a déjà parlé du mot challenge il y a quelques mois; c'est aussi un mot français, qu'on a tort de prononcer à l'anglaise.
Si je me souviens bien, quand j'étais petit, mon père m'emmenait à la fête aérienne du Bourget.

[Marco]

Fort bien, il est vrai que l’anglais challenge est issu de l’ancien français, à travers le latin calumnia. Mais qu’apporte-t-il de plus au mot défi ? Quelle nuance, fût-elle nécessaire, introduit-il ? Voilà ma question précise.

[Claude]

Je crois qu'on a déjà parlé du mot challenge il y a quelques mois...

Vous avez tout à fait raison et c'est vous-même qui aviez créé le sujet challenge et challenge il y a en effet quelques mois le 5 mai 2008 ; que le temps passe vite !

[Jacques]

Le mot challenge vient du français calenge. Au départ c'était un terme juridique. Il a envahi le vocabulaire du sport vers les années cinquante ou un peu avant pour remplacer compétition, c'est-à-dire épreuve sportive à plusieurs participants dotée d'un prix ou d'un titre. De nos jours, non seulement les snobs anglomaniaques le prononcent tchalènndj' à l'anglaise, mais il lui donnent un sens qu'il n'a pas en le faisant synonyme de défi.

[Anne]

Ce que vous dites m’intrigue : pourriez-vous expliquer ce que vous trouvez d’élégant au mot anglais challenge ?

Je croyais que le mot français challenge avait le même sens que défi, et je le trouvais plus élégant que ce dernier, peut-être surtout parce qu'il avait été oublié de mes contemporains, qui lui préféraient le tchallenn'ge. Mais maintenant que je sais que le sens que je prêtais à ce mot est un anglicisme, je l'abandonne bien volontiers.

[Jacques]

Que voilà une belle résolution ! Vous l'avez compris, ce sont les sots qui lui donnent à tort ce sens de défi tout droit sorti de l'anglais. Les mêmes qui disent « en stand by » pour en attente ou en suspens.

[Anne]

Cette histoire de challenge me tracassait depuis plus d'une semaine, et je viens de trouver pourquoi.

Ce n'est pas nouveau, mais je viens juste de m'en rendre compte :
challenge (prononcé à la française) et challenge (prononcé tchallenn'j, à l'anglaise) sont un seul et même mot, mais avec des significations différentes.
Le challenge (à la française) est une compétition, comme le challenge Yves Dumanoir en rugby - il y en a bien d'autres.

Si le challenge (à la française) est une compétition, on ne peut certes pas remplacer le mot par défi. Cependant, l'édition que je possède du Petit Robert donne comme premier sens de défi :

Action de défier, en combat singulier, à une compétition; notification de cet acte. Lancer, jeter un défi

Les mots challenge et défi ne sont donc pas très éloignés l'un de l'autre, du point de vue sémantique.

Par contre,

Le tchallenn'j, c'est bien autre chose : là, on est dans le domaine du bizness, il faut réaliser un exploit pour vaincre la concurrence et plaire au patron : voilà pourquoi il m'a fallu si longtemps pour comprendre qu'en fait, ces deux mots si différents ne font qu'un.

le mot challenge, prononcé tchallenn'j, est couramment employé, non à la place de défi, mais à celle de gageure. En voilà un mot élégant ! (à condition de bien le prononcer gageüre, comme il se doit).

[Jacques]

Gageüre est effectivement la nouvelle orthographe conseillée par l'Académie, qui permet de bien se rendre compte que l'on doit prononcer le u en le dissociant du E.

Voyez ce que dit l'Académie à propos de chalenge :
CHALENGE n. m. XIIe siècle, chalenge, « chicane, défi », du latin calumnia, de même sens. Écrit challenge sous l'influence de l'anglais (XIVe siècle).
Anciennt. Réclamation judiciaire. Auj. Épreuve sportive dans laquelle le titulaire d'un record est défié par un concurrent. Par ext. (Emploi déconseillé.) Provocation, défi. (On écrit aussi, moins bien, Challenge.)

[Perkele]

Pour en revenir à l'intitulé du sujet, il m'est arrivé d'employer, pas plus tard qu'avant hier : "permets-moi de te rappeler une fois de plus que..."

J'aurais très bien pu employer "rappeler encore". Il y a donc une idée d'insistance pour une information qui n'est pas entendue comme il y a dans "revoir encore" l'expression d'insatiabilité.

[Claude]

Par contre pourrait-on dire ressasser encore et encore car à lui seul ressasser signifie revenir sans cesse sur les mêmes choses ?

[Jacques]

Rappeler une fois de plus n'est peut-être pas vraiment un pléonasme : on a déjà rappelé quelque chose à la personne, elle n'en a pas tenu compte, on le lui rappelle de nouveau. Ce n'est pas ce que l'on nomme un pléonasme vicieux.