J'ai encore des problèmes avec les participes passés

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Marco
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Message par Marco »

Il est assez intéressant de voir les résultats offerts par Google Livres : Ils s’étaient donné pour mission, sans accord, donne 115 résultats, la plupart desquels remontent au 19e siècle ; Ils s’étaient donnés pour mission, avec accord, produit 9 occurrences, toutes récentes sauf une. C’est bien la preuve de ce que disait Hanse (et Grevisse se rallie à cet avis) que cette règle du participe passé avec les verbes pronominaux est artificielle et devrait être abolie :

Nous faisons nôtre le souhait de Hanse « que, conformément à la logique, à l’histoire de la langue et à certaines tendances de l’usage actuel, on renonce à imposer cette règle et qu’on puisse accorder le participe avec le sujet, puisqu’il est conjugué avec être ». (Grevisse, 14e, 953 b)
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Anne
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Message par Anne »

L'attribut du COD ! Merci Marco. J'avais oublié son existence.

Pour ce qui concerne l'accord du participe passé, ici la logique veut qu'on ne le fasse pas puisque se est COI et non COD.
Si on accorde le participe passé avec le sujet masculin pluriel lorsque la phrase est dans cet ordre là, comment expliquer que cet accord disparaisse lorsqu'on place le COD avant le verbe (puisqu'on accorde alors le participe passé avec le COD féminin singulier : "la mission qu'ils se sont donnée") ?
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Marco
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Message par Marco »

C’est, chère Anne, qu’on nous a inculqué ces règles à l’école, règles qui sont le fruit non de l’usage, mais de la décision arbitraire de grammairiens. La logique dont parle Hanse, et que Grevisse accueille, est des plus transparentes : les verbes pronominaux se conjuguent avec être, ainsi, puisque l’auxiliaire être commande l’accord avec le sujet, pourquoi faire exception avec les verbes pronominaux ?

En italien (et, j’imagine, dans les autres langues néolatines), l’accord se fait normalement avec le sujet : Si sono lavati le mani (si on parle d’hommes), Si sono lavate le mani (si on parle de femmes) [« Ils/elles se sont lavé les mains »].
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Anne
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Message par Anne »

Ces règles sont aussi le fruit d'une certaine logique, et la décision des grammairiens n'est pas si arbitraire que ça.

"Elle s'est lavée" équivaut à "elle a lavé elle-même" (s' = COD).
"Elle s'est lavé les mains" équivaut à "elle a lavé les mains à elle-même" (s' = COI).

Je trouve logique de marquer la différence entre les deux cas.

Vous n'avez pas répondu à ma question :
Anne a écrit :Si on accorde le participe passé avec le sujet masculin pluriel lorsque la phrase est dans cet ordre là, comment expliquer que cet accord disparaisse lorsqu'on place le COD avant le verbe (puisqu'on accorde alors le participe passé avec le COD féminin singulier : "la mission qu'ils se sont donnée") ?
Cette question entre en conflit avec la logique de Hanse, non ? Faut-il écrire "la mission qu'ils se sont donnés" selon cette logique ?
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Anne
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Message par Anne »

J'ajouterai que l'état qui résulte de l'action "elle s'est lavée" est qu'elle est lavée. Alors que l'état qui résulte de l'action "elle s'est lavé les mains" est que ses mains sont lavées, pas elle.
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Marco
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Message par Marco »

La « logique » même de l’accord avec le COD placé avant est une invention de grammairiens (il y a un fil ici à ce sujet, mais je n’ai pas la patience, à cette heure, de le chercher). Lorsque vous dites qu’il est logique d’accorder et de ne pas accorder, dans les phrases que vous donnez comme exemples, vous vous référez à la règle (arbitraire, je le répète) qui a cours pour le participe passé conjugué avec avoir. Du moment qu’il n’y a pas d’auxiliaire avoir mais qu’il y a un auxiliaire être, l’accord avec le sujet me semble justement et « hansement » logique. :)

En fait, j’irais même plus loin : cette distinction de COD/COI pour le pronom réfléchi serait abolie tout court par le fait même de la présence de l’auxiliaire être. Donc, pour moi, il s’agit d’une construction habile (et un peu perverse) des grammairiens qui décidèrent des règles pour les générations futures. Mais ce n’est que mon humble avis. :)
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Marco
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Message par Marco »

En tout cas, ce qui est regrettable dans toutes ces complications, c’est qu’elles découlent de décisions non fondées sur l’usage. À mon avis, la grammaire devrait toujours se fonder – je l’ai dit des milliers de fois, désolé de me répéter – sur l’usage des personnes cultivées, des grands écrivains. Sur quoi d’autre, d’ailleurs, pourrait-elle se fonder, pour être sérieuse ?

Nous passons beaucoup de temps de l’année scolaire sur le sujet du participe passé, alors que, si tout était simplifié, nous aurions plus de temps pour des choses peut-être plus importantes. Tout ce qui se justifie par l’histoire de la langue ne peut aucunement être réfuté ; mais ce qui n’y correspond pas le peut, et devrait l’être.
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TSOS
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Message par TSOS »

Oui, l'usage est important, certes.
Mais ce n'est pas parce qu'un magnifique auteur commence brusquement à utiliser une formulation ou des conjugaisons un peu baroques qu'on doit forcer tout le reste du peuple à faire de même, "à cause de l'usage de personnes jugées cultivées".

J'exagère énormément avec cet exemple, et en plus, je suis en fait personnellement d'accord avec Anne absolument sur la question, qui occupe ce fil en ce moment, des accords du participe passé. Soit.

Mais néanmoins, il convient peut-être de rester mesuré: ne pas se baser uniquement sur l'usage, ou uniquement sur des règles arbitraires.
Il faut se baser sur les deux(quatre): le logique, l'usage, l'usité et logique, le logique mais inusité.

Enfin pour ce que j'en dis... :roll:
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Marco
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Message par Marco »

Ce n’est pas ce que je dis. La langue préexiste à la grammaire ; les règles de grammaire devraient découler d’une analyse de l’usage cultivé et non constituer une invention qui n’a pas d’existence dans la réalité linguistique. L’histoire du COD placé avant ne repose que sur la volonté d’un grammairien, elle n’a aucune logique (pourquoi n’avoir pas décidé qu’on accorderait avec le COD placé après plutôt qu’avant ?). En ancien français il y avait la plus ample liberté dans ces cas-là. Bien sûr, on ne peut pas changer les choses ; je dis juste qu’il eût été plus salutaire pour la langue que de telles règles farfelues n’eussent jamais été imposées.
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Jacques
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Message par Jacques »

D'après ce que j'ai lu, ces complications ont été introduites à une époque où l'on a voulu réglementer la langue à l'excès, au XVIIe. Il y avait une sorte de surenchère à qui trouverait de nouveaux cas nécessitant une règle spécifique. Vaugelas aurait été l'un de ces grands « réglementeurs », qu'on me pardonne le néologisme.
Toujours est-il que ce souci de précision poussé à l'extrême nous laisse un héritage difficile à porter. Et les tentatives de réforme se sont heurtées à l'indifférence, voire à l'hostilité. Voyez comme peu de gens appliquent les régularisations orthographiques de 1990 : quand on le fait, on se sent obligé de se justifier par crainte d'être jugé comme ayant commis une faute.
Si haut qu'on soit placé, on n'est jamais assis que sur son cul (MONTAIGNE).
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Anne
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Message par Anne »

Marco, j'aimerais bien arriver à valider intellectuellement la coexistence des deux logiques, mais pour l'instant je ne comprends absolument pas la vôtre, et si vous ne démontez pas mes objections, comment voulez-vous que j'assimile votre pensée ?
Pardonnez-moi d'insister, mais je vous repose la question, à vous : préconisez-vous, selon votre logique, d'écrire "la mission qu'ils se sont donnée", ou "la mission qu'ils se sont donnés" ?
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Marco
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Message par Marco »

Chère Anne, il faudrait tout d’abord que vous oubliiez pour un instant la règle du COD et que vous voyiez que les verbes pronominaux se conjuguent avec être, donc la logique voudrait, en présence du verbe être, que l’accord se fît avec le sujet. Quant à moi, je ne préconise rien, nous ne pouvons pas modifier le cours de l’histoire, je continue d’enseigner les règles telles qu’elles sont, qui, comme dit Jacques, représentent un héritage lourd à porter, mais j’aurais préféré qu’on puisse écrire La mission qu’ils se sont donnés, car le sujet est ils. En fait, qu’il y ait un pronom réfléchi ne devrait pas altérer la nature syntaxique du verbe être, qui, en toutes circonstances, commande l’accord avec le sujet. Je suis désolé, je ne parviens pas à mieux m’expliquer… :(
Brazilian dude
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Message par Brazilian dude »

En italien (et, j’imagine, dans les autres langues néolatines), l’accord se fait normalement avec le sujet : Si sono lavati le mani (si on parle d’hommes), Si sono lavate le mani (si on parle de femmes) [« Ils/elles se sont lavé les mains »].
Cette construction n'existe pas en portugais, en espagnol, en catalan ou en roumain. Toutes ces langues (le portugais plus rarament) utilisent l'auxiliaire avoir ici.
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Jacques
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Message par Jacques »

Si on veut pousser la logique à l'extrême, il serait plus simple encore d'écrire la mission qu'ils se sont donné.
Si haut qu'on soit placé, on n'est jamais assis que sur son cul (MONTAIGNE).
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Jacques
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Message par Jacques »

Brazilian dude a écrit :
En italien (et, j’imagine, dans les autres langues néolatines), l’accord se fait normalement avec le sujet : Si sono lavati le mani (si on parle d’hommes), Si sono lavate le mani (si on parle de femmes) [« Ils/elles se sont lavé les mains »].
Cette construction n'existe pas en portugais, en espagnol, en catalan ou en roumain. Toutes ces langues (le portugais plus rarament) utilisent l'auxiliaire avoir ici.
Le français serait donc l'exception. En anglais et en allemand, c'est aussi l'auxiliaire avoir.
Si haut qu'on soit placé, on n'est jamais assis que sur son cul (MONTAIGNE).
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