Perles d'inculture 1
- Jacques
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Lu dans la version sur Internet d'un article d'un grand quotidien :
« L'essentiel de ses transactions concernent le Soudan…
Parmi les autres sanctions …….. le renvoi de plus de 30 personnes ….. Il semble cependant que la plupart a déjà quitté la banque.
…Leur message selon lequel une lourde amende, doublée d'une interdiction de travailler en dollars, risquaient de déstabiliser………n'auraient apparemment guère ému les régulateurs... »
Grande confusion dans les accords, une faute de plus en plus répandue : l'accord devient très confus dans l'esprit de nos contemporains francophones. Par ailleurs, il est devenu systématique de faire suivre la plupart d'un verbe au singulier alors que, justement, c'est l'exception dans les accords des collectifs singuliers : il ne bénéficie pas de l'accord d'intention et doit toujours commander le pluriel.
« L'essentiel de ses transactions concernent le Soudan…
Parmi les autres sanctions …….. le renvoi de plus de 30 personnes ….. Il semble cependant que la plupart a déjà quitté la banque.
…Leur message selon lequel une lourde amende, doublée d'une interdiction de travailler en dollars, risquaient de déstabiliser………n'auraient apparemment guère ému les régulateurs... »
Grande confusion dans les accords, une faute de plus en plus répandue : l'accord devient très confus dans l'esprit de nos contemporains francophones. Par ailleurs, il est devenu systématique de faire suivre la plupart d'un verbe au singulier alors que, justement, c'est l'exception dans les accords des collectifs singuliers : il ne bénéficie pas de l'accord d'intention et doit toujours commander le pluriel.
Si haut qu'on soit placé, on n'est jamais assis que sur son cul (MONTAIGNE).
- Jacques-André-Albert
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Proche du cas de « la plupart », je voudrais mentionner l'emploi de trentaine, centaine, etc. pour lesquels l'accord du verbe devrait presque toujours se faire, à mon avis, au pluriel.
Une centaine d'individus se sont introduits dans l'enceinte... une trentaine de députés ont voté contre la loi. Si on remplace centaine et trentaine par l'équivalent « environ cent ou environ trente », le doute n'est plus permis.
Une centaine d'individus se sont introduits dans l'enceinte... une trentaine de députés ont voté contre la loi. Si on remplace centaine et trentaine par l'équivalent « environ cent ou environ trente », le doute n'est plus permis.
Quand bien nous pourrions estre sçavans du sçavoir d'autruy, au moins sages ne pouvons nous estre que de nostre propre sagesse.
(Montaigne - Essais, I, 24)
(Montaigne - Essais, I, 24)
- Jacques
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- Inscription : sam. 11 juin 2005, 8:07
- Localisation : Décédé le 29 mai 2015, il était l'âme du forum
Il y a encore dans cette agaçante pratique une méconnaissance des règles : selon les ouvrages didactiques, le singulier est acceptable seulement si trentaine, douzaine, centaine, etc. représente un nombre exact de trente, douze, cent... ce qui est rarement le cas, puisqu'on emploie ces mots quand on n'est pas sûr du chiffre. De toute façon, même dans les cas admis cela reste choquant ; il vaut mieux dire vingt personnes plutôt qu'une vingtaine.
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- Jacques
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Lu dans la version d'un quotidien sur Internet :
La transformation du dispositif écotaxe en « péage de transit » pour les poids lourds...
Ce n'est pas un péage, mais un droit de péage. Il est clair que l'auteur de l'article ne connaît pas le sens de ce mot, à moins que ce ne soient les autorités ayant pris la décision, ou un membre du gouvernement célèbre pour ses gaffes lexicales. C'est à peu près la confusion de la cause avec l'effet (ou la conséquence). Je pense que tout le monde ici connaît l'affaire, je le rappelle donc par principe ; péage n'est pas un synonyme de paiement, il ne vient pas du verbe payer, mais de pied : c'est le droit, l'autorisation de poser le pied en un endroit. Ce « péage de transit » est donc en fait une taxe de péage, une taxe au péage de transit.
Mais pourquoi se gêner ? L'Académie elle-même entretient l'ambigüité en définissant le péage comme un droit qu'on acquitte pour passer.
N.B. : je fonde mon analyse sur celle de Jacques Capelovici, qui a beaucoup influencé mon regard sur la langue française.
La transformation du dispositif écotaxe en « péage de transit » pour les poids lourds...
Ce n'est pas un péage, mais un droit de péage. Il est clair que l'auteur de l'article ne connaît pas le sens de ce mot, à moins que ce ne soient les autorités ayant pris la décision, ou un membre du gouvernement célèbre pour ses gaffes lexicales. C'est à peu près la confusion de la cause avec l'effet (ou la conséquence). Je pense que tout le monde ici connaît l'affaire, je le rappelle donc par principe ; péage n'est pas un synonyme de paiement, il ne vient pas du verbe payer, mais de pied : c'est le droit, l'autorisation de poser le pied en un endroit. Ce « péage de transit » est donc en fait une taxe de péage, une taxe au péage de transit.
Mais pourquoi se gêner ? L'Académie elle-même entretient l'ambigüité en définissant le péage comme un droit qu'on acquitte pour passer.
N.B. : je fonde mon analyse sur celle de Jacques Capelovici, qui a beaucoup influencé mon regard sur la langue française.
Si haut qu'on soit placé, on n'est jamais assis que sur son cul (MONTAIGNE).
- Islwyn
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- Inscription : sam. 16 févr. 2013, 12:09
- Localisation : Royaume-Uni (décédé le 9 mars 2018)
Vous n'êtes pas sans m'étonner, parce que c'est le contraire qui arrive en anglais. Le toll est justement cette taxe de péage dont vous parlez, mais tout le monde dit toll charge comme si toll signifiait un passage payant. Ce serait sans doute que le sens véritable de toll, mot très rare, s'est perdu.
Quantum mutatus ab illo
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Effectivement toll seul doit suffire à exprimer l'idée de taxe.
L'étymologie explique au moins partiellement tout cela. Le péage du français désigne originellement, Jacques l'a expliqué, le droit de poser le pied à un endroit. Le toll anglais est de la famille du Zoll (douane, droit de douane) allemand : ces deux mots viennent du grec telos, but, fin, paiement définitif (je traduis ce qu'indique le dictionnaire allemand Wahrig).
L'étymologie explique au moins partiellement tout cela. Le péage du français désigne originellement, Jacques l'a expliqué, le droit de poser le pied à un endroit. Le toll anglais est de la famille du Zoll (douane, droit de douane) allemand : ces deux mots viennent du grec telos, but, fin, paiement définitif (je traduis ce qu'indique le dictionnaire allemand Wahrig).
- Jacques
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- Localisation : Décédé le 29 mai 2015, il était l'âme du forum
Je connaissais le mot allemand, mais pas le terme anglais. Pour moi, douane se dit customs, mais vous présentez toll comme rare, d'ailleurs.
Si ces deux langues germaniques ont fait un emprunt au grec, il est assez surprenant que nous soyons allés chercher le nôtre dans la langue persane en passant par le turc.
Si ces deux langues germaniques ont fait un emprunt au grec, il est assez surprenant que nous soyons allés chercher le nôtre dans la langue persane en passant par le turc.
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- Islwyn
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Toll comme substantif est effectivement rare, il figure p. ex. dans l'expression to pay a toll, mais ce fait ne se produit qu'une fois l'an. Le verbe to toll ne s'applique qu'aux cloches, le plus fameusement au début de l'élégie de Thomas Grey, « The curfew tolls the nell of parting day...». À vous de traduire (mais nous sommes dans le domaine du glas, également rare je crois).
Quantum mutatus ab illo
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- Messages : 7437
- Inscription : dim. 17 févr. 2013, 14:22
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- Messages : 7437
- Inscription : dim. 17 févr. 2013, 14:22
Trois remarques anecdotiques.
En apprenant que douane et divan sont à l'origine un seul et même mot, je pense à une autre paire de mots de même caractéristique et d'origine turque, tulipe et turban.
L'allemand a au moins deux mots pour désigner les taxes de péage, das Gebühr (en Allemagne) et das Maut (en Autriche). Dans ce dernier pays on appelait jadis ein Mauthaus (une maison de péage, d'octroi) le lieu où ces taxes étaient encaissées. C'est le sens du nom d'une localité autrichienne de sinistre mémoire, Mauthausen. De nos jours, si vous circulez dans un pays germanophone et que vous voyez à l'approche d'un viaduc « Mit Gebühr » ou « Mit Maut » ([Avec] [taxe de] Péage), vous devez vous apprêter à payer.
Zoll, associé au mot signifiant union, association, est connu par les historiens internationaux comme l'un des composants du « Zollverein », désignant l'union douanière des États allemands au XIXe siècle.
En apprenant que douane et divan sont à l'origine un seul et même mot, je pense à une autre paire de mots de même caractéristique et d'origine turque, tulipe et turban.
L'allemand a au moins deux mots pour désigner les taxes de péage, das Gebühr (en Allemagne) et das Maut (en Autriche). Dans ce dernier pays on appelait jadis ein Mauthaus (une maison de péage, d'octroi) le lieu où ces taxes étaient encaissées. C'est le sens du nom d'une localité autrichienne de sinistre mémoire, Mauthausen. De nos jours, si vous circulez dans un pays germanophone et que vous voyez à l'approche d'un viaduc « Mit Gebühr » ou « Mit Maut » ([Avec] [taxe de] Péage), vous devez vous apprêter à payer.
Zoll, associé au mot signifiant union, association, est connu par les historiens internationaux comme l'un des composants du « Zollverein », désignant l'union douanière des États allemands au XIXe siècle.
- Jacques
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- Localisation : Décédé le 29 mai 2015, il était l'âme du forum
C'est étonnant l'histoire des mots. Il y en a un qui m'avait frappé, en Autriche ; sur les latrines publiques il était écrit, en français, l'équivalent d'urinoir mais en plus vulgaire.
Il serait intéressant, là aussi, de savoir comment ce mot, qu'on n'oserait pas écrire dans les pays francophones, est allé se nicher là-bas. D'ailleurs, en France, il s'agit d'un régionalisme.
Il serait intéressant, là aussi, de savoir comment ce mot, qu'on n'oserait pas écrire dans les pays francophones, est allé se nicher là-bas. D'ailleurs, en France, il s'agit d'un régionalisme.
Si haut qu'on soit placé, on n'est jamais assis que sur son cul (MONTAIGNE).
- Islwyn
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Étonnant, en effet. Permettez-moi de vous renvoyer à ceci :
http://projetbabel.org/forum/viewtopic.php?t=2733
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Quantum mutatus ab illo