Les soldats qu'il a FAIT(S) prisonniers
Les soldats qu'il a FAIT(S) prisonniers
Bonjour,
Je n'arrive pas à savoir si je dois écrire "les soldats qu'il a faits prisonniers" ou "les soldats qu'il a fait prisonniers". Quelqu'un pourrait-il m'aider, s'il-vous-plaît? (Au besoin, j'essaierai d'indiquer quelques arguments que j'ai trouvés pour l'une et l'autre des deux solutions…)
D'avance, merci.
Je n'arrive pas à savoir si je dois écrire "les soldats qu'il a faits prisonniers" ou "les soldats qu'il a fait prisonniers". Quelqu'un pourrait-il m'aider, s'il-vous-plaît? (Au besoin, j'essaierai d'indiquer quelques arguments que j'ai trouvés pour l'une et l'autre des deux solutions…)
D'avance, merci.
- Jacques
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- Inscription : sam. 11 juin 2005, 8:07
- Localisation : Décédé le 29 mai 2015, il était l'âme du forum
Bonjour,
Vous posez une question intéressante. Quand le verbe faire n'est pas suivi d'un infinitif, il s'accorde. Il n'y a donc pas de doute : il les a faits prisonniers. Si je ne me trompe (il y a des lustres que je n'ai pas fait d'analyse grammaticale), le PP fait a pour COD les, placé avant.
Ce qui m'étonne, c'est que vous dites avoir des arguments en faveur des deux. Des arguments que vous avez élaborés ou trouvés quelque part ?
Vous posez une question intéressante. Quand le verbe faire n'est pas suivi d'un infinitif, il s'accorde. Il n'y a donc pas de doute : il les a faits prisonniers. Si je ne me trompe (il y a des lustres que je n'ai pas fait d'analyse grammaticale), le PP fait a pour COD les, placé avant.
Ce qui m'étonne, c'est que vous dites avoir des arguments en faveur des deux. Des arguments que vous avez élaborés ou trouvés quelque part ?
Si haut qu'on soit placé, on n'est jamais assis que sur son cul (MONTAIGNE).
Bonjour,
Merci pour votre réponse. Puisque vous pensez que l'écriture correcte est "les soldats qu'il a faits prisonniers", je ne donne d'arguments que pour l'autre possibilité, "les soldats qu'il a fait prisonniers".
Accorder le participe passé, c'est considérer le pronom relatif "que" comme son complément d'objet direct antéposé. Mais cela est ici fort discutable, puisque, en vérité, le complément du verbe faire est "les soldats prisonniers", à comprendre comme "les soldats être prisonniers". Proposition infinitive qui ne s'emploie pas naturellement, mais on grimace moins devant la proposition conjonctive équivalente: "Il a fait que les soldats fussent prisonniers.". Donc, le complément de faire, ce n'est pas "les soldats", mais "les soldats [être] prisonniers", qui n'est pas un groupe nominal mais une proposition, et qui entraîne donc un accord du participe passé "fait" au neutre.
Vous répliquerez peut-être qu'on écrit "une actrice que j'ai vue jouer", même si c'est "une actrice jouer", proposition infinitive, qui peut ici être considéré comme le complément d'objet direct de "voir" . Oui, sauf que, dans ce cas là, on est fondé à dire que "une actrice" est à la fois le complément d'objet direct de "voir" et le sujet de "jouer". En effet, on pourrait dire que la phrase "J'ai vu cette actrice jouer." nous apprend 1° "J'ai vu cette actrice.", 2° "Quand je l'ai vue elle jouait.". Bref, cet accord ne tombe pas du ciel, il est extrêmement logique. Mais à propos de "Il a fait les soldats [être] prisonniers.", cela n'a rien à voir: on ne peut pas dire (et excusez-moi d'écrire une telle bêtise): "Il a fait les soldats, et quand il les a faits ils étaient prisonniers.". Nous voyons que, alors que dans "voir une actrice jouer", "voir" est un verbe "normal", dans "faire des soldats prisonniers", "faire" est plutôt un semi-auxiliaire, ce qui complique l'analyse et la conclusion quand à l'accord…
Merci pour votre réponse. Puisque vous pensez que l'écriture correcte est "les soldats qu'il a faits prisonniers", je ne donne d'arguments que pour l'autre possibilité, "les soldats qu'il a fait prisonniers".
Accorder le participe passé, c'est considérer le pronom relatif "que" comme son complément d'objet direct antéposé. Mais cela est ici fort discutable, puisque, en vérité, le complément du verbe faire est "les soldats prisonniers", à comprendre comme "les soldats être prisonniers". Proposition infinitive qui ne s'emploie pas naturellement, mais on grimace moins devant la proposition conjonctive équivalente: "Il a fait que les soldats fussent prisonniers.". Donc, le complément de faire, ce n'est pas "les soldats", mais "les soldats [être] prisonniers", qui n'est pas un groupe nominal mais une proposition, et qui entraîne donc un accord du participe passé "fait" au neutre.
Vous répliquerez peut-être qu'on écrit "une actrice que j'ai vue jouer", même si c'est "une actrice jouer", proposition infinitive, qui peut ici être considéré comme le complément d'objet direct de "voir" . Oui, sauf que, dans ce cas là, on est fondé à dire que "une actrice" est à la fois le complément d'objet direct de "voir" et le sujet de "jouer". En effet, on pourrait dire que la phrase "J'ai vu cette actrice jouer." nous apprend 1° "J'ai vu cette actrice.", 2° "Quand je l'ai vue elle jouait.". Bref, cet accord ne tombe pas du ciel, il est extrêmement logique. Mais à propos de "Il a fait les soldats [être] prisonniers.", cela n'a rien à voir: on ne peut pas dire (et excusez-moi d'écrire une telle bêtise): "Il a fait les soldats, et quand il les a faits ils étaient prisonniers.". Nous voyons que, alors que dans "voir une actrice jouer", "voir" est un verbe "normal", dans "faire des soldats prisonniers", "faire" est plutôt un semi-auxiliaire, ce qui complique l'analyse et la conclusion quand à l'accord…
- Jacques
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Je ne pense pas que..., j'ai eu la prudence de vérifier dans les livres qui traitent des difficultés de la langue française. Ce sont eux qui disent que...
Avec les accords du PP il y a matière à tout discuter, des quantités de cas sont contestables.
Je ne tente pas de vous convaincre, je donne les réponses des grammairiens. Ce que nous cherchons, c'est un complément d'objet direct se rapportant au PP. Ce complément d'objet direct, c'est le pronom relatif que, mis pour soldats, placé avant le PP. Je ne crois pas que faire prisonnier soit un COD.
Avec les accords du PP il y a matière à tout discuter, des quantités de cas sont contestables.
Je ne tente pas de vous convaincre, je donne les réponses des grammairiens. Ce que nous cherchons, c'est un complément d'objet direct se rapportant au PP. Ce complément d'objet direct, c'est le pronom relatif que, mis pour soldats, placé avant le PP. Je ne crois pas que faire prisonnier soit un COD.
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Bonjour BasLap.BasLap a écrit :Accorder le participe passé, c'est considérer le pronom relatif "que" comme son complément d'objet direct antéposé. Mais cela est ici fort discutable, puisque, en vérité, le complément du verbe faire est "les soldats prisonniers", à comprendre comme "les soldats être prisonniers". Proposition infinitive qui ne s'emploie pas naturellement, mais on grimace moins devant la proposition conjonctive équivalente: "Il a fait que les soldats fussent prisonniers.". Donc, le complément de faire, ce n'est pas "les soldats", mais "les soldats [être] prisonniers", qui n'est pas un groupe nominal mais une proposition, et qui entraîne donc un accord du participe passé "fait" au neutre.
Vous répliquerez peut-être qu'on écrit "une actrice que j'ai vue jouer", même si c'est "une actrice jouer", proposition infinitive, qui peut ici être considéré comme le complément d'objet direct de "voir" . Oui, sauf que, dans ce cas là, on est fondé à dire que "une actrice" est à la fois le complément d'objet direct de "voir" et le sujet de "jouer". En effet, on pourrait dire que la phrase "J'ai vu cette actrice jouer." nous apprend 1° "J'ai vu cette actrice.", 2° "Quand je l'ai vue elle jouait.". Bref, cet accord ne tombe pas du ciel, il est extrêmement logique. Mais à propos de "Il a fait les soldats [être] prisonniers.", cela n'a rien à voir: on ne peut pas dire (et excusez-moi d'écrire une telle bêtise): "Il a fait les soldats, et quand il les a faits ils étaient prisonniers.". Nous voyons que, alors que dans "voir une actrice jouer", "voir" est un verbe "normal", dans "faire des soldats prisonniers", "faire" est plutôt un semi-auxiliaire, ce qui complique l'analyse et la conclusion quand à l'accord…
Je vous rejoins dans cette logique. Il n'a pas fait les soldats, donc à mon sens, "fait" ne devrait pas s'accorder avec "soldats", et je trouve aussi que le verbe être est sous-entendu : "les soldats qu'il a fait être prisonniers".
- Jacques
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- Inscription : sam. 11 juin 2005, 8:07
- Localisation : Décédé le 29 mai 2015, il était l'âme du forum
Deux raisonnements qui vont à l'encontre de ceux des spécialistes, cela demande réflexion. Pour ma part, j'applique la règle sans me poser de question, mais ce n'est pas la première fois que nous trouvons de l'illogisme dans les règles « officielles ».
Je me demandais si nous ne pourrions pas, afin d'essayer d'y voir plus clair, remplacer le verbe faire par d'autres : dirions-nous « Les soldats qu'il a rendu ou rendus prisonniers » ? J'accorderais au pluriel ; là, on ne peut pas sous-entendre le verbe être. Et avec établir non plus (faisons abstraction du sens intrinsèque des verbes, et attachons-nous à la construction grammaticale seule).
Je me demandais si nous ne pourrions pas, afin d'essayer d'y voir plus clair, remplacer le verbe faire par d'autres : dirions-nous « Les soldats qu'il a rendu ou rendus prisonniers » ? J'accorderais au pluriel ; là, on ne peut pas sous-entendre le verbe être. Et avec établir non plus (faisons abstraction du sens intrinsèque des verbes, et attachons-nous à la construction grammaticale seule).
Dernière modification par Jacques le dim. 11 avr. 2010, 19:39, modifié 1 fois.
Si haut qu'on soit placé, on n'est jamais assis que sur son cul (MONTAIGNE).
Bonjour,
Deux personnes qui donnent deux avis parfaitement opposés, la discussion ne pouvait pas mieux tourner!
Comment étayer les thèses, je ne sais pas trop. Grévisse ne s'attarde pas sur la question. Au détour d'une page, ils prescrivent "Il les a faits soldats.", mais, si l'on recoupe d'autres articles, on est tenté d'écrire "Il les a fait soldats.". Je n'ai pas Les Difficultés du français sous la main… D'autres idées?
Deux personnes qui donnent deux avis parfaitement opposés, la discussion ne pouvait pas mieux tourner!
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- Jacques
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- Inscription : sam. 11 juin 2005, 8:07
- Localisation : Décédé le 29 mai 2015, il était l'âme du forum
C'est l'intérêt de nos échanges : plusieurs angles de vue sur un même cas, cela permet de réfléchir et de comparer les idées. Attention : pour ma part, j'ai bien précisé que je n'émettais pas d'avis, je rends seulement compte.BasLap a écrit :Bonjour,
Deux personnes qui donnent deux avis parfaitement opposés, la discussion ne pouvait pas mieux tourner!![]()
Cela ne m'empêche pas de réfléchir au sujet.
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Oui, Jacques, j'ai bien compris, et ma remarque était enthousiaste et non ironique. Votre rapprochement me semble pertinent, je l'avais moi-même fait en réfléchissant avant de vous contacter, mais il me semble qu'il faut prendre gare à remarquer des différences entre "rendre" et "faire" qui, si elles sont fines, vont au delà de la simple nuance sémantique.
En effet, prenons la phrase: "Il l'a fait chevalier.". On peut la considérer comme la forme elliptique de "Il l'a fait être chevalier.", que l'on peut transposer en "Il a fait qu'il fût chevalier.". Pas joli, mais correct.
Mais on ne peut pas dire "Il l'a rendu être chevalier.", encore moins "Il a rendu qu'il fût chevalier.".
Dans le premier cas, c'est, je pense, "faire + état résultatif (proposition infinitive, éventuellement elliptique)", et, dans le second, "verbe + C.O.D. + attribut du C.O.D.".
La nuance est si fine… Surtout que, au fil du temps, la première construction tend à se rapprocher de la seconde (dans le cas de ce que je considère comme la proposition infinitive elliptique, il faut réfléchir pour s'apercevoir de la différence). Mais elle est bien là…
En effet, prenons la phrase: "Il l'a fait chevalier.". On peut la considérer comme la forme elliptique de "Il l'a fait être chevalier.", que l'on peut transposer en "Il a fait qu'il fût chevalier.". Pas joli, mais correct.
Mais on ne peut pas dire "Il l'a rendu être chevalier.", encore moins "Il a rendu qu'il fût chevalier.".
Dans le premier cas, c'est, je pense, "faire + état résultatif (proposition infinitive, éventuellement elliptique)", et, dans le second, "verbe + C.O.D. + attribut du C.O.D.".
La nuance est si fine… Surtout que, au fil du temps, la première construction tend à se rapprocher de la seconde (dans le cas de ce que je considère comme la proposition infinitive elliptique, il faut réfléchir pour s'apercevoir de la différence). Mais elle est bien là…
- Jacques
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- Localisation : Décédé le 29 mai 2015, il était l'âme du forum
Ces discussions sont intéressantes, mais avouons que les intellectuels des siècles passés, à force de vouloir faire du français la langue de la précision, nous ont laissé un héritage bien encombrant avec tous ces cas de participe passé.
L'ennui est qu'il est bien difficile de s'en affranchir, on ne voit d'ailleurs pas comment. Remarquez que l'Académie, dans les régularisations orthographiques de 1990, a fait un pas en admettant que désormais on ne fait plus la différence, pour le verbe laisser, entre l'action exercée ou subie par le sujet ; nous pouvons donc écrire elle s'est laissé glisser de la même façon que elle s'est laissé capturer, sans qu'il y ait faute. Léger progrès dans la voie de la raison.
L'ennui est qu'il est bien difficile de s'en affranchir, on ne voit d'ailleurs pas comment. Remarquez que l'Académie, dans les régularisations orthographiques de 1990, a fait un pas en admettant que désormais on ne fait plus la différence, pour le verbe laisser, entre l'action exercée ou subie par le sujet ; nous pouvons donc écrire elle s'est laissé glisser de la même façon que elle s'est laissé capturer, sans qu'il y ait faute. Léger progrès dans la voie de la raison.
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Éternel débat. Je ne suis pas en désaccord avec vous.
Cependant, là, ce n'est pas une intellectualisation forcenée ou un rapport trop étroit avec des règles, des recommandations arbitraires, qui m'amènent à discuter avec vous: simplement, quand j'ai vue "les soldats qu'il a faits prisonniers", ça m'a interpellé: Qu'est-ce que c'est que ce "s"? Qu'est-ce qu'il veut dire?
Cependant, là, ce n'est pas une intellectualisation forcenée ou un rapport trop étroit avec des règles, des recommandations arbitraires, qui m'amènent à discuter avec vous: simplement, quand j'ai vue "les soldats qu'il a faits prisonniers", ça m'a interpellé: Qu'est-ce que c'est que ce "s"? Qu'est-ce qu'il veut dire?
- Jacques
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- Localisation : Décédé le 29 mai 2015, il était l'âme du forum
Vous n'avez pas donnné de réponse à ma proposition de changer de verbe en gardant exactement le même syntaxe, avec un PP suivi d'un nom :
– les guerriers que le roi a sacrés chevaliers
– les deux femmes qu'on a promues directrices
– les employés que vous avez nommés chefs
– les personnes qu'il a supposées coupables
Dans ces exemples, estimez-vous aussi que le PP doit rester invariable ?
– les guerriers que le roi a sacrés chevaliers
– les deux femmes qu'on a promues directrices
– les employés que vous avez nommés chefs
– les personnes qu'il a supposées coupables
Dans ces exemples, estimez-vous aussi que le PP doit rester invariable ?
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- Madame de Sévigné
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- Jacques
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- Localisation : Décédé le 29 mai 2015, il était l'âme du forum
J'ai déjà opté pour l'accord, qui est conforme à la grammaire, puisque le pronom relatif que, mis pour soldats (ou filles) est un COD placé avant le PP, et que l'accord suit la règle classique. Pour moi c'est le cas simple habituel. Je crois que c'est le verbe faire qui crée le doute dans vos esprits.
Si haut qu'on soit placé, on n'est jamais assis que sur son cul (MONTAIGNE).